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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/14

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ÉDOUARD.

but et qui ne sera jamais comblé ! Et ici l’autorité est nulle comme le talent ; la puissance elle-même ne saurait franchir cet obstacle, et cet obstacle, c’est ce nom révéré, ce nom sans tache, ce nom de mon père dont j’ai la lâcheté de rougir ! Je m’indignai contre moi-même ; et, m’accusant de ce sentiment comme d’un crime, je restai absorbé dans mille réflexions douloureuses. En levant les yeux, je vis madame de Nevers auprès de moi. « Vous étiez bien loin d’ici ! me dit-elle. — Oui, lui répondis-je, je veux aller en Angleterre, dans ce pays où rien n’est impossible. — Ah ! dit-elle, j’étais bien sûre que vous pensiez à cela ! Mais ne dansez-vous pas ? me demanda-t-elle. — Je crains que cela ne soit pas convenable, lui dis-je. — Pourquoi donc ? reprit-elle ; puisque vous êtes invité, vous pouvez danser, et je ne vois pas ce qui vous en empêcherait. Et qui inviterez-vous ? ajouta-t-elle en souriant. — Je n’ose vous prier, lui dis-je ; je crains qu’on ne trouve déplacé que vous dansiez avec moi. — Encore ! s’écria-t-elle. Voilà réellement de l’humilité fastueuse. — Ah ! lui dis-je tristement, je vous prierais en Angleterre. » Elle rougit « Il faut que je quitte le monde, ajoutai-je ; il n’est pas fait pour moi, j’y souffre et je m’y sens de plus en plus isolé ; je veux suivre ma profession ; j’irai au palais, personne là ne demandera pourquoi j’y suis ; je mettrai une robe noire, et je plai-