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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/15

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ÉDOUARD.

derai des causes. Me confierez-vous vos procès ? lui demandai-je, je les gagnerai tous. — Je voudrais commencer par gagner celui-ci, me dit-elle. Ne voulez-vous donc pas danser avec moi ? » Je ne pus résister à la tentation ; je pris sa main, sa main que je n’avais jamais touchée ! et nous nous mîmes à une contredanse. Je ne tardai pas à me repentir de ma faiblesse, il me semblait que tout le monde nous regardait. Je croyais lire l’étonnement sur les physionomies, et je passais du délice de la contempler et d’être si près d’elle, de la tenir presque dans mes bras, à la douleur de penser qu’elle faisait peut-être pour moi une chose inconvenante, et qu’elle en serait blâmée. Comme la contredanse allait finir, M. le maréchal d’Olonne s’approcha de nous, et je vis son visage devenir sérieux et mécontent. Madame de Nevers lui dit quelques mots tout bas, et son expression habituelle de bonté revint sur-le-champ. Il me dit : « Je suis bien aise que l’ambassadeur vous ait prié ; c’est aimable à lui. » Cela voulait dire : « Il l’a fait pour m’obliger, et c’est par grâce que vous êtes ici. » C’est ainsi que tout me blessait et que, jusqu’à cette protection bienveillante, tout portait un germe de souffrance pour mon âme et d’humiliation pour mon orgueil. Je fus poursuivi pendant plusieurs jours après cette fête par les réflexions les plus pénibles, et je me promis bien de ne plus me montrer à un bal. L’infériorité