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ÉDOUARD.

dans les premiers jours de mai. Le maréchal d’Olonne se méprit à la joie si vive que je montrai en le revoyant : il m’en sut gré, et je reçus ses éloges avec embarras. S’il eût pu lire au fond de mon cœur, combien je lui aurais paru coupable ! Lorsque j’y réfléchis, je ne comprends pas que M. le maréchal d’Olonne n’eût point encore deviné mes sentiments secrets ; mais la vieillesse et la jeunesse manquent également de pénétration, l’une ne voit que ses espérances, et l’autre que ses souvenirs. Faverange était ce vieux château où madame de Nevers avait été élevée, et dont elle m’avait parlé une fois. Situé à quelques lieues d’Uzerche, sur un rocher, au bord de la Corrèze, sa position était ravissante. Un grand parc fort sauvage environnait le château ; la rivière qui baignait le pied des terrasses, fermait le parc de trois côtés. Une forêt de vieux châtaigniers couvrait un espace considérable, et s’étendait depuis le sommet du coteau jusqu’au bord de la rivière. Ces arbres vénérables avaient donné leur ombre à plusieurs générations ; on appelait ce lieu la Châtaigneraie. La rivière, les campagnes, les collines bleuâtres qui fermaient l’horizon, tout me plaisait dans cet aspect ; mais tout m’aurait plu dans la disposition actuelle de mon âme. La solitude, la vie que nous menions, l’air de paix, de contentement de madame de Nevers, tout me jetait dans cet état si doux où le pré-