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ÉDOUARD.

sent suffit, où l’on ne demande rien au passé ni à l’avenir, où l’on voudrait faire durer le temps, retenir l’heure qui s’échappe et le jour qui va finir. M. le maréchal d’Olonne en arrivant à Faverange avait établi une régularité dans la manière de vivre qui laissait du temps pour tout. Il avait annoncé qu’il recevrait très-peu de monde, et, avec le bon esprit qui lui était propre, il s’était créé des occupations qui avaient de l’intérêt, parce qu’elles avaient un but utile. De grands défrichements, la construction d’une manufacture, celle d’un hospice, occupaient une partie de ses matinées ; d’autres heures étaient employées dans son cabinet à écrire des mémoires sur quelques parties de sa vie plus consacrées aux affaires publiques. Le soir, tous réunis dans le salon, M. le maréchal d’Olonne animait l’entretien par ses souvenirs ou ses projets ; les gazettes, les lectures, fournissaient aussi à la conversation, et jamais un moment d’humeur ne trahissait les regrets de l’ambition dans le grand seigneur exilé, ni le dépit dans la victime d’une injustice. Cette simplicité, cette égalité d’âme n’étaient point un effort dans M. le maréchal d’Olonne. Il était si naturellement au-dessus de toutes les prospérités et de tous les revers de la fortune, qu’il ne lui en coûtait rien de les dédaigner, et si la faiblesse humaine, se glissant à son insu dans son cœur, y eût fait entrer un regret de vanité, il l’aurait