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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/34

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ÉDOUARD.

yeux cette passion sans espoir, qui ferait ma honte si le hasard la dévoilait à M. le maréchal d’Olonne, que me dirait-il ? Que je devais fuir. Il aurait raison, et je sentais que je n’avais d’autre excuse qu’une faiblesse indigne d’un honnête homme, indigne de mon père, indigne de moi-même ; mais cette faiblesse me maîtrisait entièrement ; j’adorais madame de Nevers, et un de ses regards payait toutes mes douleurs ; grand Dieu ! je n’ose dire qu’il effaçait tous mes remords. On passait ordinairement les matinées dans une grande bibliothèque que M. le maréchal d’Olonne avait fait arranger depuis qu’il était à Faverange. On venait de recevoir de Paris plusieurs caisses remplies de livres, de gravures, de cartes géographiques, et un globe fort grand et fort beau nouvellement tracé d’après les découvertes encore récentes de Cook et de Bougainville. Tous ces objets avaient été placés sur des tables, et M. le maréchal d’Olonne, après les avoir examinés avec soin, sortit, emmenant avec lui l’abbé Tercier. Je demeurai seul avec madame de Nevers, et nous restâmes quelque temps debout devant une table à faire tourner ce globe avec l’espèce de rêverie qu’inspire toujours l’image, même si abrégée, de ce monde que nous habitons. Madame de Nevers fixa ses regards sur le grand océan Pacifique et sur l’archipel des îles de la Société, et elle remarqua cette mul-