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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/49

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ÉDOUARD.

je sentais qu’il ne me serait plus rien si je me séparais d’elle. La mort seule alors deviendrait ma consolation et mon but : rien n’était plus qu’un désert et un tombeau. Cette idée que M. le maréchal d’Olonne serait heureux sans sa fille était le piége le plus dangereux qu’on eût encore pu m’offrir. Deux jours après l’arrivée des deux amis, M. le maréchal d’Olonne quitta Faverange. Avec quelle douleur je m’arrachai de ce lieu où madame de Nevers m’avait avoué qu’elle m’aimait ! Je ne partis que quelques heures après elle ; je les employai à dire un tendre adieu à tout ce qui restait d’elle. J’entrai dans le cabinet de la tour, dans ce cabinet où elle n’était plus, je me mis à genoux devant le siége qu’elle occupait, je baisais ce qu’elle avait touché ; je m’emparais de ce qu’elle avait oublié ; je pressais sur mon cœur ces vestiges qu’avait laissés sa présence ; hélas ! c’était tout ce qu’il m’était permis de posséder d’elle, mais ils m’étaient chers comme elle-même, et je ne pouvais m’arracher de ces murs qui l’avaient entourée, de ce siége où elle s’était assise, de cet air qu’elle avait respiré. Je savais bien que je serais moins avec elle où j’allais la retrouver, que je ne l’étais en ce moment, dans cette solitude remplie de son image ; un triste pressentiment me disait que j’avais passé à Faverange les seuls jours heureux que le ciel m’eût destinés.