Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
ÉDOUARD.

la devise du chevalier, sculptés aussi au bas du panneau. Le duc de L. lut les devises, et plaisanta sur la délivrance de madame de Nevers, enfermée dans ce donjon gothique comme une princesse du temps de la chevalerie. Il lui demanda si elle ne s’était pas bien ennuyée depuis six mois. « Non sans doute, dit-elle, je ne me suis jamais trouvée plus heureuse, et je suis sûre que mon père quittera Faverange avec regret. — Oui, dit M. le maréchal d’Olonne, le souvenir du temps que j’ai passé ici sera toujours un des plus doux de ma vie. Il y a deux manières d’être heureux, ajouta M. le maréchal d’Olonne : on l’est par le bonheur qu’on éprouve, ou par celui qu’on fait éprouver ; s’occuper du perfectionnement moral et du bien-être physique d’un grand nombre d’hommes est certainement la source des jouissances les plus pures et les plus durables ; car le plaisir dont on se lasse le moins est celui de faire le bien, et surtout un bien qui doit nous survivre. » — Je fus frappé au dernier point de ce peu de paroles. Une pensée traversa mon esprit. Quoi ! M. le maréchal d’Olonne, si je lui ravissais sa fille, aurait encore une autre manière d’être heureux ; et moi, grand Dieu ! en perdant madame de Nevers, je sentais que tout était fini pour moi dans la vie : avenir, repos, vertu même, tout me devenait indifférent ; et jusqu’à ce fantôme d’honneur auquel je me sacrifiais,