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ÉDOUARD.

tourent ce beau lieu. Je parcourais les bois de Satory ou les hauteurs de Saint-Cyr ; les arbres dépouillés par l’hiver étaient tristes comme mon cœur. Du haut de ces collines, je contemplais ces magnifiques palais dont j’étais à jamais banni. Ah ! je les aurais tous donnés pour un seul regard de madame de Nevers ! Si j’avais été le plus grand roi du monde avec quel bonheur j’aurais mis à ses pieds toutes mes couronnes. Qu’il est heureux l’homme qui peut élever à lui la femme qu’il aime, la parer de sa gloire, de son nom, de l’éclat de son rang, et, quand il la serre dans ses bras, sentir qu’elle tient tout de lui, qu’il est l’appui de sa faiblesse, le soutien de son innocence ! Hélas ! je n’avais rien à offrir à celle que j’aimais, qu’un cœur déchiré par la passion et par la douleur. Je restais longtemps abîmé dans ces pénibles réflexions ; et quand le jour commençait à tomber, je me rapprochais du château ; j’errais dans ces bosquets déserts qui semblent attendre encore la grande ombre de Louis XIV. Quelquefois assis au pied d’une statue, je contemplais ces jardins enchantés créés par l’amour ; ils ne déplaisaient pas à mon cœur ; leur tristesse, leur solitude étaient en harmonie avec la disposition de mon âme. Mais quand je tournais les yeux vers ce palais qui contenait le seul bien de ma vie, je sentais ma douleur redoubler de violence au fond de mon âme. Ce château magique me