Aller au contenu

Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
ÉDOUARD.

paraissait défendu par je ne sais quel monstre farouche. Mon imagination essayait en vain d’en forcer l’entrée : elle tentait toutes les issues, toutes étaient fermées, toutes se terminaient par des barrières insurmontables, et ces voies trompeuses ne menaient qu’au désespoir. Je me rappelais alors ce qu’avait dit l’ambassadeur d’Angleterre. Ah ! si j’avais eu une seule carrière ouverte à mon ambition, quelles difficultés auraient pu m’effrayer ? J’aurais tout vaincu, tout conquis ; l’amour est comme la foi, et partage sa toute puissance, mais l’impossible flétrit toute la vie. Bientôt la triste vérité venait faire évanouir mes songes ; elle me montrait du doigt cette fatalité de l’ordre social qui me défendait toute espérance, et j’entendais sa voix terrible qui criait au fond de mon cœur : « Jamais, jamais tu ne posséderas madame de Nevers ! » La mort alors m’eût semblé douce en comparaison des tourments qui me déchiraient. Je retournais à Paris dans un état digne de pitié, et cependant je préférais ces agitations à la longue attente de l’absence, où je me sentais me consumer sans pourtant me sentir vivre.

Je tombai bientôt dans un état qui tenait le milieu entre le désespoir et la folie ; en proie à une idée fixe, je voyais sans cesse madame de Nevers : elle me poursuivait pendant mon sommeil ; je m’élançais pour la saisir dans mes bras,