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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/57

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ÉDOUARD.

pas jaloux de lui ; je savais que madame de Nevers ne l’épouserait jamais, et cependant je l’enviais d’oser prétendre à elle, et d’en avoir le droit. Je lui rendais avec usure la sécheresse et l’aigreur qu’il me montrait, et je ne perdais pas une occasion de me moquer devant lui des défauts ou des ridicules dont on pouvait l’accuser, et de louer avec exagération les qualités qu’on savait bien qu’il ne possédait pas. Un jour M. le maréchal d’Olonne alla souper et coucher à Versailles ; madame de Nevers devait l’accompagner, mais elle se trouva souffrante : elle fit fermer sa porte, resta dans son cabinet, et l’abbé et moi nous passâmes la soirée avec elle. Jamais je ne l’avais vue si belle que dans cette parure négligée, à demi couchée sur un canapé et un peu pâle de la souffrance qu’elle éprouvait. Je lui lus un roman qui venait de paraître, et dont quelques situations ne se rapportaient que trop bien avec la nôtre. Nous pleurâmes tous deux : l’abbé s’endormit ; à dix heures il se réveilla, et mon cœur battit de joie en voyant qu’il allait se retirer. Il partit, et nous laissa seuls. Dangereux tête à tête pour lequel nous étions bien mal préparés tous deux ! « Édouard, me dit-elle, je veux vous gronder. Qu’est-ce que ces continuelles altercations dans lesquelles vous êtes avec le prince d’Enrichemont ? Hier, vous lui avez dit les choses les plus aigres et les plus piquantes. — Prenez-