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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/69

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ÉDOUARD.

sai dehors M. d’Herbelot, et fermai ma porte sur lui.

Je demeurai dans un désespoir qui m’ôtait presque l’usage de la raison. Grand Dieu ! j’avais flétri la réputation de madame de Nevers ! La calomnie osait profaner sa vie, et j’en étais cause ! On se servait de mon nom pour outrager l’ange adorable objet de mon culte et de mon idolâtrie ! Ah ! j’étais digne de tous les supplices, mais ils étaient tous dans mon cœur. C’est mon amour qui la déshonore, pensai-je ; qui la livre au blâme, au mépris, à cette honte que rien n’efface, qui reparaît toujours comme la tache sanglante sur la main de Macbeth ! Ah ! la calomnie ne se détruit jamais, sa souillure est éternelle ; mais les calomniateurs périront, et je vengerai l’ange de tous ceux qui l’outragent. Se peut-il qu’oubliant l’honneur et mon devoir, j’aie risqué de mériter ces vils éloges ? Voilà donc comment ma conduite peut se traduire dans le langage du vice ? Hélas ! le piége le plus dangereux que la passion puisse offrir, c’est ce voile d’honnêteté dont elle s’enveloppe. Je voyais à présent la vérité nue, et je me trouvais le plus vil comme le plus coupable des hommes. Que faire ! que devenir ! Irais-je annoncer à madame de Nevers qu’elle est déshonorée, qu’elle l’est par moi ! Mon cœur se glaçait dans mon sein à cette pensée. Hélas ! qu’était devenu mon bonheur ! Il avait eu la du-