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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/77

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ÉDOUARD.

ridicule si je consentais à ce que vous désirez. Tel est le préjugé. J’en suis désespéré, ajouta-t-il en se radoucissant : soyez persuadé que je vous estime du fond du cœur, M. G., et que j’aurais été charmé que nous puissions nous battre ensemble. Vous pâlissez ! dit-il ; je vous plains, vous êtes un homme d’honneur. Croyez que je déteste cet usage barbare ; je le trouve injuste, je le trouve absurde ; je donnerais mon sang pour qu’il me fût permis de me battre avec vous. — Grand Dieu ! m’écriai-je, je croyais avoir épuisé toutes les douleurs ! — Édouard, dit le duc, qui paraissait de plus en plus touché de ma situation, ne prenez pas un ami pour un ennemi ; ceci me cause, je vous l’assure, une véritable peine. Quelques paroles imprudentes ne peuvent-elles se réparer ? — Jamais, répondis-je. Me refusez-vous la satisfaction que je vous demande ? — J’y suis forcé, dit le duc. — Eh bien, repris-je, vous êtes un lâche ; car c’est une lâcheté que d’insulter un homme d’honneur, et de le priver de la vengeance. Je sortis comme un furieux de la maison du duc de L. Je parcourais les rues comme un insensé ; toutes mes pensées me faisaient horreur. Les furies de l’enfer semblaient s’attacher sur moi ; le mal que j’avais fait était irréparable, et on me refusait la vengeance ! Je retrouvais là cette fatalité de l’ordre social qui me poursuivait partout, et je croyais voir des ennemis dans