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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/90

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LE MARCHAND DE ZAMORA.

main il part, il se rend à Salamanque pour étudier à l’Université. — Ah ! ah ! vous avez donc formé des desseins pour son avenir ? Et que sera votre fils ? — Tout ce qu’il voudra. À sa sortie de l’Université, je le lancerai dans le monde. Le gaillard ne peut manquer d’avoir de l’esprit, continua l’hôte avec un air de satisfaction vaniteuse, et il ira loin. Au dire d’un chanoine de ma connaissance, l’esprit est la fortune de ceux qui en ont une à faire. »

Cette fois, pour toute réponse le marchand se contenta de sourire.

L’aubergiste ne s’y trompa point ; il vit un blâme dans ce sourire. « — Serais-je assez heureux, ajouta-t-il aussitôt, pour recevoir de vous, seigneur, un bon conseil ? — Je n’en donne presque jamais, repartit le marchand ; j’ai appris à connaître leur inutilité. Un conseil peut tout au plus éclairer la raison ; il ne saurait donner la force d’agir : pour marcher, il faut en avoir la volonté ; il ne suffit pas de voir juste et loin devant soi. Ajoutez que suivre un conseil, c’est avouer qu’un autre l’emporte sur nous en sagesse : or, l’amour-propre ne se laisse guère arracher de tels aveux. — La supériorité de votre sagesse sur la mienne ne saurait être mise en doute, continua l’hôte : étant plus âgé, vous avez plus d’expérience. Et d’ailleurs, un père souffre tant à se séparer de son fils, que, dussiez-vous