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Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/94

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LE MARCHAND DE ZAMORA.

veaux époux. Nous y trouvâmes compagnie nombreuse, festin délicat, le tout embelli par la joie des visages. Le voisin vint à moi, sa contenance était un peu embarrassée ; je le mis à l’aise en lui vantant les charmes de sa femme, en le félicitant sur son mariage ; il en fut ravi.

« Vous voilà tout étonné de me voir applaudir à ce que j’avais voulu empêcher. C’est qu’un voyageur français m’a appris, je ne sais à quel propos, qu’un philosophe de sa nation pensait qu’il ne faut jamais blâmer une chose à laquelle il n’y a point de remède[1]. La maxime m’a paru sage, je l’ai gardée pour en faire une des règles de ma conduite.

« Moi-même, je l’avouerai, séduit par l’ivresse générale, peut-être plus encore par les grands et beaux yeux noirs de Térésa, j’allai jusqu’à considérer une noce comme un acte passé avec le bonheur. J’admirai la mariée, son voile blanc, sa couronne de fleurs ; je me plaisais à me rappeler combien le matin elle avait été ravissante, ainsi parée, au pied de l’autel ; j’oubliais qu’à l’église un parent de la mariée, homme fort savant, m’avait appris que, dans l’antiquité, ce costume était celui des jeunes filles conduites au temple pour être sacrifiées. Ma pensée, loin de s’arrêter sur cette parure des victimes, se laissait distraire par

  1. Correspondance de Diderot.