Aller au contenu

Page:Duras - Ourika et Édouard, II.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
LE MARCHAND DE ZAMORA.

le voluptueux fandango dessinant ses pas aux sons de la castagnette. Si bien qu’en rentrant chez moi, ma maison me sembla plus grande. Je rêvai sans le vouloir à ce mot de mariage, pour moi jusqu’alors sans magie ; mais le sommeil traita toutes ces idées comme une ivresse, il les dissipa.

« Je voyais Gavino moins souvent ; le plaisir ou le souci — on ne sait jamais bien lequel quand il s’agit de mariage — le retenait chez lui. En peu d’années il était devenu père de deux fils. L’aîné avait été nommé Pedro ; le second reçut le nom de Fabrice. À la naissance de ce dernier, je dis à mon voisin : — Cher Gavino, la fécondité de votre Térésa peuple la solitude dont vous vous plaigniez. L’ennui ne vous chasse plus du logis. — Non, me répondit-il ; mais l’ennui, en s’en allant, a laissé la porte ouverte au chagrin. Gavino avait raison. Son revenu était bien modique pour toute une famille. Il sentit combien il avait eu tort de n’avoir pas rendu le travail compagnon de sa jeunesse.

« — Mes fils seront plus heureux, me disait-il, mon expérience leur sera profitable. Ils auront une carrière à parcourir ; je la leur choisirai belle. Ils y marcheront à la richesse, peut-être même aux honneurs, si ce n’est à la gloire.

« Vous le voyez, Gavino n’était pas dépourvu de sagesse, mais ces mots de gloire et d’honneurs