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LE MARCHAND DE ZAMORA.

— Mais n’est-ce pas un rêve laissé par la nuit dans votre esprit ? — Je n’ai pas dormi trois secondes. — C’est cela, vous êtes malade. — Du tout ; je ne me suis jamais mieux porté. — Un Français dirait que vous bâtissez des châteaux en Espagne ; cela vous est commode, étant sur les lieux. — Apprenez mon dessein, vous jugerez après : L’éducation de mon fils une fois achevée, je le fais entrer dans un régiment. — Soldat ? — Soldat. — Ceci est plus facile ; mais le voilà loin du généralat. — Patience ! Fabert, dont je viens de lire l’histoire, a commencé à peu près ainsi. Après avoir franchi tous les grades de l’armée, il a fini par la commander. — Mais parce que Fabert a réussi… — Pourquoi mon fils ne réussirait-il pas comme lui ? Était-il d’une trempe particulière, ce Fabert ? — Mais sa naissance ! — Il était fils d’un imprimeur. Pedro a pour père un bourgeois. — Mais ses talents ! — Mon fils en possède ; son régent, à qui j’ai envoyé quelques flacons de vin de Xérès, m’a bien assuré, en me remerciant, que Pedro ne serait pas un homme ordinaire. Ah ! ah ! il ira loin, dit l’heureux Gavino parcourant à grands pas ma boutique. — Au moins, repris-je, faudrait-il consulter ses goûts. — Je vous attendais là. Mon fils a l’humeur belliqueuse ; il bat tous ses camarades. Quel avenir pour lui, quelle gloire pour moi, quand les sentinelles lui porteront les armes, quand il défilera