l’opinion une pression morale pour que nous entendions ainsi nos devoirs d’éducateur, mais elle y attache un tel prix que, comme je viens de le rappeler, elle se charge elle-même de la tâche. Il est aisé de prévoir que, si elle y tient à ce point, c’est qu’elle s’y sent intéressée. Et, en effet, seule, une culture largement humaine peut donner aux sociétés modernes les citoyens dont elle a besoin. Parce que chacun des grands peuples européens couvre un immense habitat, parce qu’il se recrute dans les races les plus diverses, parce que le travail y est divisé à l’infini, les individus qui le composent sont tellement différents les uns des autres qu’il n’y a presque plus rien de commun entre eux, sauf leur qualité d’homme en général. Ils ne peuvent donc garder l’homogénéité indispensable à tout consensus social qu’à condition d’être aussi semblables que possible par le seul côté où ils se ressemblent tous, c’est-à-dire en tant qu’ils sont tous des êtres humains. En d’autres termes, dans des sociétés aussi différenciées, il ne peut guère y avoir d’autre type collectif que le type générique de l’homme. Qu’il vienne à perdre quelque chose de sa généralité, qu’il se laisse entamer par quelque retour de l’ancien particularisme, et l’on verra ces grands États se résoudre en une multitude de petits groupes parcellaires et se décomposer. Ainsi notre idéal pédagogique s’explique par notre structure sociale, tout comme celui des Grecs et des Romains ne pouvait se comprendre que par l’organisation de la
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