Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/46

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c’est que les hommes se sont mépris sur ce qu’elle devait être ? Mais si l’éducation romaine avait été empreinte d’un individualisme comparable au nôtre, la cité romaine n’aurait pu se maintenir ; la civilisation latine n’aurait pu se constituer ni, par suite, notre civilisation moderne, qui en est, pour partie, descendue. Les sociétés chrétiennes du moyen âge n’auraient pu vivre si elles avaient fait au libre examen la place que nous lui accordons aujourd’hui. Il y a donc là des nécessités inéluctables dont il est impossible de faire abstraction. À quoi peut servir d’imaginer une éducation qui serait mortelle pour la société qui la mettrait en pratique ?

Ce postulat si contestable tient lui-même à une erreur plus générale. Si l’on commence par se demander ainsi quelle doit être l’éducation idéale, abstraction faite de toute condition de temps et de lieu, c’est qu’on admet implicitement qu’un système éducatif n’a rien de réel par lui-même. On n’y voit pas un ensemble de pratiques et d’institutions qui se sont organisées lentement au cours du temps, qui sont solidaires de toutes les autres institutions sociales et qui les expriment, qui, par conséquent, ne peuvent pas plus être changées à volonté que la structure même de la société. Mais il semble que ce soit un pur système de concepts réalisés ; à ce titre, il paraît relever de la seule logique. On imagine que les hommes de chaque temps l’organisent volontairement pour réaliser une fin déterminée ; que, si cette organisation n’est pas partout la même, c’est