Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/70

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manières d’agir et de penser étroitement déterminées, tout l’avenir de l’individu se trouve fixé par avance, et il ne reste pas beaucoup à faire à l’éducation.

Mais heureusement, une des caractéristiques de l’homme, c’est que les prédispositions innées sont chez lui très générales et très vagues. En effet, le type de la prédisposition arrêtée, rigide, invariable, qui ne laisse guère de place à l’action des causes extérieures, c’est l’instinct. Or, on peut se demander s’il existe chez l’homme un seul instinct proprement dit. On parle quelquefois de l’instinct de conservation ; mais l’expression est impropre. Car un instinct c’est un système de mouvements déterminés, toujours les mêmes, qui, une fois qu’ils sont déclenchés par la sensation, s’enchaînent automatiquement les uns aux autres jusqu’à ce qu’ils arrivent à leur terme naturel, sans que la réflexion ait nulle part à intervenir ; or, les mouvements que nous faisons quand notre vie est en danger n’ont nullement cette détermination et cette invariabilité automatique. Ils changent suivant les situations ; nous les approprions aux circonstances : c’est donc qu’ils ne vont pas sans un certain choix conscient, quoique rapide. Ce qu’on nomme instinct de conservation n’est, en définitive, qu’une impulsion générale à fuir la mort, sans que les moyens par lesquels nous cherchons à l’éviter soient prédéterminés une fois pour toutes. On en peut dire autant de ce qu’on appelle parfois, non moins inexactement, l’in-