Page:Durkheim - Éducation et sociologie.djvu/98

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réfléchie peut suppléer aux lacunes de la tradition, quand celle-ci vient à faire défaut. Or qu’est-ce que la pédagogie, sinon la réflexion appliquée le plus méthodiquement possible aux choses de l’éducation en vue d’en régler le développement ? Sans doute, nous n’avons pas entre les mains tous les éléments qui seraient désirables pour résoudre le problème ; mais ce n’est pas une raison pour ne pas chercher à le résoudre puisqu’il faut qu’il soit résolu. Nous n’avons donc rien d’autre à faire qu’à faire pour le mieux, qu’à rassembler le plus de faits instructifs qu’il nous est possible, qu’à les interpréter avec le plus de méthode que nous pouvons y mettre, afin de réduire au minimum les chances d’erreur. Tel est le rôle du pédagogue. Rien n’est vain et stérile comme ce puritanisme scientifique qui, sous prétexte que la science n’est pas faite, conseille l’abstention et recommande aux hommes d’assister en témoins indifférents, ou tout au moins résignés, à la marche des événements. À côté du sophisme d’ignorance, il y a le sophisme de science qui n’est pas moins dangereux. Sans doute, à agir dans ces conditions, on court des risques. Mais l’action ne va jamais sans risques ; la science, si avancée qu’elle puisse être, ne saurait les supprimer. Tout ce qu’on peut nous demander, c’est de mettre tout ce que nous avons de science, si imparfaite qu’elle soit, et tout ce que nous avons de conscience, à prévenir ces risques autant qu’il est en nous. Et c’est précisément en cela que consiste le rôle de la pédagogie.