Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/135

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ils sont attachés aussi à ce qui est la condition d’existence de ce type collectif, c’est-à-dire à la société qu’ils forment par leur réunion. Non seulement les citoyens s’aiment et se recherchent entre eux de préférence aux étrangers, mais ils aiment leur patrie. Ils la veulent comme ils se veulent eux-mêmes, tiennent à ce qu’elle dure et prospère, parce que, sans elle, il y a toute une partie de leur vie psychique dont le fonctionnement serait entravé. Inversement, la société tient à ce qu’ils présentent tous ces ressemblances fondamentales parce que c’est une condition de sa cohésion. Il y a en nous deux consciences : l’une ne contient que des états qui sont personnels à chacun de nous et qui nous caractérisent, tandis que les états que comprend l’autre sont communs à toute la société[1]. La première ne représente que notre personnalité individuelle et la constitue ; la seconde représente le type collectif et, par conséquent, la société, sans laquelle il n’existerait pas. Quand c’est un des éléments de cette dernière qui détermine notre conduite, ce n’est pas en vue de notre intérêt personnel que nous agissons, mais nous poursuivons des fins collectives. Or, quoique distinctes, ces deux consciences sont liées l’une à l’autre, puisqu’en somme elles n’en font qu’une, n’ayant pour elles deux qu’un seul et même substrat organique. Elles sont donc solidaires. De là résulte une solidarité sui generis qui, née des ressemblances, rattache directement l’individu à la société ; nous pourrons mieux montrer dans le chapitre prochain pourquoi nous proposons de l’appeler mécanique. Cette solidarité ne consiste pas seulement dans un attachement général et indéterminé de l’individu au groupe, mais rend aussi harmonique le détail des mouvements. En effet, comme ces mobiles collectifs se retrouvent partout les mêmes, ils produisent partout les mêmes effets. Par conséquent, chaque

  1. Pour simplifier l’exposition, nous supposons que l’individu n’appartient qu’à une société. En fait, nous faisons partie de plusieurs groupes et il y a en nous plusieurs consciences collective ; mais cette complication ne change rien au rapport que nous sommes en train d’établir.