Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/148

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personnes mêmes de leurs détenteurs. Par exemple, lorsqu’une chose vient s’ajouter à une autre, le propriétaire de celle qui est réputée principale devient du même coup propriétaire de la seconde ; seulement « il doit payer à l’autre la valeur de la chose qui a été unie  » (art. 566). Cette obligation est évidemment personnelle. De même, tout propriétaire d’un mur mitoyen qui veut le faire élever est tenu de payer au copropriétaire l’indemnité de la charge (art. 658). Un légataire à titre particulier, est obligé de s’adresser au légataire universel pour obtenir la délivrance de la chose léguée, quoiqu’il ait un droit sur celle-ci dès le décès du testateur (art. 1014). Mais la solidarité que ces relations expriment ne diffère pas de celle dont nous venons de parler : elles ne s’établissent en effet que pour réparer ou pour prévenir une lésion. Si le détenteur de chaque droit réel pouvait toujours l’exercer sans en dépasser jamais les limites, chacun restant chez soi, il n’y aurait lieu à aucun commerce juridique. Mais, en fait, il arrive sans cesse que ces différents droits sont tellement enchevêtrés les uns dans les autres qu’on ne peut mettre l’un en valeur sans empiéter sur ceux qui le limitent. Ici, la chose sur laquelle j’ai un droit se trouve entre les mains d’un autre ; c’est ce qui arrive pour le legs. Ailleurs, je ne puis jouir de mon droit sans nuire à celui d’autrui ; c’est le cas pour certaines servitudes. Des relations sont donc nécessaires pour réparer le préjudice, s’il est consommé, ou pour l’empêcher ; mais elles n’ont rien de positif. Elles ne font pas concourir les personnes qu’elles mettent en contact ; elles n’impliquent aucune coopération ; mais elles restaurent simplement, ou maintiennent dans les conditions nouvelles qui se sont produites, cette solidarité négative dont les circonstances sont venues troubler le fonctionnement. Bien loin d’unir, elles n’ont lieu que pour mieux séparer ce qui s’est uni par la force des choses, pour rétablir les limites qui ont été violées et replacer chacun dans sa sphère propre. Elles sont si bien identiques aux rapports de la chose avec la personne que les rédacteurs du Code ne leur ont pas