Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/155

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est divisée en tâches qualitativement similaires, quoique indispensables les unes aux autres, il y a division du travail simple ou du premier degré. Si elles sont de nature différente, il y a division du travail composée, spécialisation proprement dite.

Cette dernière forme de la coopération est d’ailleurs de beaucoup celle qu’exprime le plus généralement le contrat. Le seul qui ait une autre signification est le contrat de société, et peut-être aussi le contrat de mariage, en tant qu’il détermine la part contributive des époux aux dépenses du ménage. Encore, pour qu’il en soit ainsi, faut-il que le contrat de société mette tous les associés sur le même niveau, que leurs apports soient identiques que leurs fonctions soient les mêmes, et c’est un cas qui ne se présente jamais exactement dans les relations matrimoniales, par suite de la division du travail conjugal. En regard de ces rares espèces, qu’on mette la multiplicité des contrats qui ont pour objet d’ajuster les unes aux autres des fonctions spéciales et différentes : contrats entre l’acheteur et le vendeur, contrats d’échange, contrats entre entrepreneurs et ouvriers, entre le locataire de la chose et le locateur, entre le préteur et l’emprunteur, entre le dépositaire et le déposant, entre l’hôtelier et le voyageur, entre le mandataire et le mandant, entre le créancier et la caution du débiteur, etc. D’une manière générale, le contrat est le symbole de l’échange ; aussi M. Spencer a-t-il pu, non sans justesse, qualifier de contrat physiologique l’échange de matériaux qui se fait à chaque instant entre les différents organes du corps vivant[1]. Or, il est clair que l’échange suppose toujours quelque division du travail plus ou moins développée. Il est vrai que les contrats que nous venons de citer ont encore un caractère un peu général. Mais il ne faut pas oublier que le droit ne figure que les contours généraux, les grandes lignes des rapports sociaux, celles qui se retrouvent identiquement dans des sphères différentes de la vie collective. Aussi

  1. Bases de la morale évolutionniste p. 124