Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/195

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milieu de mon peuple[1]. » À ce titre, il n’était pas seulement tenu de rien faire qui fût défendu, mais encore de faire tout ce qui était ordonné, de se faire circoncire soi et les siens, de célébrer le sabbat, les fêtes, etc. Nous n’avons pas à rappeler combien ces prescriptions sont nombreuses et de quelles peines terribles elles sont sanctionnées.

À Athènes, la place de la criminalité religieuse était encore très grande ; il y avait une accusation spéciale, la γραφὴ ἀσεϐείας, destinée à poursuivre les attentats contre la religion nationale. La sphère en était certainement très étendue. « Suivant toutes les apparences, le droit attique n’avait pas défini nettement les crimes et les délits qui devaient être qualifiés d’ἀσέϐεια, de telle sorte qu’une large place était laissée à l’appréciation du juge[2]. » Cependant, la liste en était certainement moins longue que dans le droit hébraïque. De plus, ce sont tous ou presque tous des délits d’action, non d’abstention. Les principaux que l’on cite sont en effet les suivants : la négation des croyances relatives aux dieux, à leur existence, à leur rôle dans les affaires humaines ; la profanation des fêtes, des sacrifices, des jeux, des temples et des autels ; la violation du droit d’asile, les manquements aux devoirs envers les morts, l’omission ou l’altération des pratiques rituelles par le prêtre, le fait d’initier le vulgaire au secret des mystères, de déraciner les oliviers sacrés, la fréquentation des temples par les personnes auxquelles l’accès en est interdit[3]. Le crime consistait donc, non à ne pas célébrer le culte, mais à le troubler par des actes positifs ou par des paroles[4]. Enfin, il n’est pas prouvé que l’introduction de divinités nouvelles eût régulièrement besoin d’être autorisée et

  1. Nombres, XV, 30.
  2. Meier et Schömann, Der attische Process, 2e édit. Berlin, 1883, p. 367.
  3. Nous reproduisons cette liste d’après Meier et Schömann, op. cit., p. 368. — Cf. Thonissen, op. cit., ch. II.
  4. M. Fustel de Coulanges dit, il est vrai, que d’après un texte de Pollux (VIII, 46), la célébration des fêtes était obligatoire. Mais le texte cité parle d’une profanation positive et non d’une abstention.