Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/199

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ment, d’ailleurs, pourrait-il en être autrement ? Tout le monde reconnaît que la religion chrétienne est la plus idéaliste qui ait jamais existé. C’est donc qu’elle est faite d’articles de foi très larges et très généraux beaucoup plus que de croyances particulières et de pratiques déterminées. Voilà comment il se fait que l’éveil de la libre pensée au sein du christianisme a été relativement précoce. Dés l’origine, des écoles différentes se fondent et même des sectes opposées. À peine les sociétés chrétiennes commencent-elles à s’organiser au moyen âge qu’apparaît la scolastique, premier effort méthodique de la libre réflexion, première source de dissidences. Les droits de la discussion sont reconnus en principe. Il n’est pas nécessaire de démontrer que le mouvement n’a fait depuis que s’accentuer. C’est ainsi que la criminalité religieuse a fini par sortir complètement ou presque complètement du droit pénal.


IV


Voilà donc nombre de variétés criminologiques qui ont progressivement disparu et sans compensation ; car il ne s’en est pas constitué qui fussent absolument nouvelles. Si nous prohibons la mendicité, Athènes punissait l’oisiveté[1]. Il n’est pas de société où les attentats dirigés contre les sentiments nationaux ou contre les institutions nationales aient jamais été tolérés ; la répression semble même en avoir été plus sévère autrefois, et, par conséquent, il y a lieu de croire que les sentiments correspondants se sont affaiblis. Le crime de lèse-majesté, si fertile jadis en applications, tend de plus en plus à disparaître.

Cependant, on a dit parfois que les crimes contre la personne individuelle n’étaient pas reconnus chez les peuples inférieurs ;

  1. Thonissen, op. cit., 303.