nation. Rien ne vient de rien ; il faut donc que cette force qu’il a lui vienne de quelque part, et, par conséquent, cette formule ne nous fait pas connaître l’essence du phénomène.
Mais, cet élément écarté, le seul caractère, semble-t-il, que présentent également toutes les idées comme tous les sentiments religieux, c’est qu’ils sont communs à un certain nombre d’individus vivant ensemble, et qu’en outre ils ont une intensité moyenne assez élevée. C’est en effet un fait constant que, quand une conviction un peu forte est partagée par une même communauté d’hommes, elle prend inévitablement un caractère religieux ; elle inspire aux consciences le même respect révérentiel que les croyances proprement religieuses. Il est donc infiniment probable — ce bref exposé ne saurait sans doute constituer une démonstration rigoureuse — que la religion correspond à une région également très centrale de la conscience commune. Il resterait, il est vrai, à circonscrire cette région, à la distinguer de celle qui correspond au droit pénal et avec laquelle d’ailleurs elle se confond souvent en totalité ou en partie. Ce sont des questions à étudier, mais dont la solution n’intéresse pas directement la conjecture très vraisemblable que nous venons de faire.
Or, s’il est une vérité que l’histoire a mise hors de doute, c’est que la religion embrasse une portion de plus en plus petite de la vie sociale. À l’origine, elle s’étend à tout ; tout ce qui est social est religieux ; les deux mots sont synonymes. Puis, peu à peu, les fonctions politiques, économiques, scientifiques s’affranchissent de la fonction religieuse, se constituent à part et prennent un caractère temporel de plus en plus accusé. Dieu, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui était d’abord présent à toutes les relations humaines, s’en retire progressivement ; il abandonne le monde aux hommes et à leurs disputes. Du moins, s’il continue à le dominer, c’est de haut et de loin, et l’action qu’il exerce, devenant plus générale et plus indéterminée, laisse plus de place au libre jeu des forces humaines. L’individu se sent donc,