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III

La même loi préside au développement biologique.

On sait aujourd’hui que les animaux inférieurs sont formés de segments similaires, disposés soit en masses irrégulières, soit en séries linéaires ; même, au plus bas degré de l’échelle, ces éléments ne sont pas seulement semblables entre eux, ils sont encore de composition homogène. On leur donne généralement le nom de colonies. Mais cette expression, qui d’ailleurs n’est pas sans équivoque, ne signifie pas que ces associations ne sont point des organismes individuels ; car « toute colonie dont les membres sont en continuité de tissus est en réalité un individu »[1]. En effet, ce qui caractérise l’individualité d’un agrégat quelconque, c’est l’existence d’opérations effectuées en commun par toutes les parties. Or, entre les membres de la colonie, il y a mise en commun des matériaux nutritifs et impossibilité de se mouvoir autrement que par des mouvements d’ensemble, tant que la colonie n’est pas dissoute. Il y a plus : l’œuf, issu de l’un des segments associés, reproduit, non ce segment, mais la colonie entière dont il faisait partie ; « entre les colonies de polypes et les animaux les plus élevés, il n’y a, à ce point de vue, aucune différence[2]. » Ce qui rend d’ailleurs toute séparation radicale impossible, c’est qu’il n’y a point d’organismes, si centralisés qu’ils soient, qui ne présentent à des degrés divers la constitution coloniale. On en trouve des traces jusque chez les vertébrés, dans la composition de leur squelette, de leur appareil urogénital, etc. ; surtout leur développement embryonnaire donne la preuve certaine qu’ils ne sont autre chose que des colonies modifiées[3].

  1. Perrier, Le Transformisme, p. 139.
  2. Perrier, Colonies animales, p. 778.
  3. Ibid., liv. IV, ch. V, VI et VII.