Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/249

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Nous avons déjà vu avec quelle facilité et sur quelle large échelle se pratiquait l’adoption dans les clans indiens de l’Amérique du Nord. Elle pouvait donner naissance à toutes les formes de la parenté. Si l’adopté était du même âge que l’adoptant, ils devenaient frères et sœurs ; si le premier était une femme déjà mère, elle devenait la mère de celui qui l’adoptait.

Chez les Arabes, avant Mahomet, l’adoption servait souvent à fonder de véritables familles[1]. Il arrivait fréquemment à plusieurs personnes de s’adopter mutuellement ; elles devenaient alors frères ou sœurs les unes des autres, et la parenté qui les unissait était aussi forte que s’ils étaient descendus d’une commune origine. On trouve le même genre d’adoption chez les Slaves. Très souvent des membres de familles différentes se prennent pour frères et sœurs et forment ce qu’on appelle une confraternité (probatinstro). Ces sociétés se contractent librement et sans formalité : l’entente suffit à les fonder. Cependant le lien qui unit ces frères électifs est plus fort même que celui qui dérive de la fraternité naturelle[2].

Chez les Germains, l’adoption fut probablement aussi facile et fréquente. Des cérémonies très simples suffisaient à la constituer[3]. Mais dans l’Inde, en Grèce, à Rome, elle était déjà subordonnée à des conditions déterminées. Il fallait que l’adoptant eût un certain âge, qu’il ne fût pas parent de l’adopté à un degré qui ne lui eût pas permis d’en être le père naturel ; enfin, ce changement de famille devenait une opération juridique très complexe, qui nécessitait l’intervention du magistrat. En même temps, le nombre de ceux qui avaient la jouissance du droit d’adoption devenait plus restreint. Seuls, le père de famille ou le célibataire sui juris pouvaient adopter et le premier ne le pouvait que s’il n’avait pas d’enfants légitimes.

Dans notre droit actuel, les conditions restrictives se sont

  1. Smith, Mariage and kinship in early Arabia. Cambridge, 1883. p. 135.
  2. Krauss, Sitte und Brauch der Südslaven, ch. XXIX.
  3. Viollet, Précis de l’histoire du droit français, p. 402.