Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/298

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vague controverse métaphysique sur l’accroissement du bonheur de l’homme aux divers âges de la civilisation… Puisque le bonheur de chacun exige une suffisante harmonie entre l’ensemble du développement de ses différentes facultés et le système total des circonstances quelconques qui dominent sa vie, et puisque, d’une autre part, un tel équilibre tend toujours spontanément à un certain degré, il ne saurait y avoir lieu à comparer positivement ni par aucun sentiment direct, ni par aucune voie rationnelle, quant au bonheur individuel, des situations sociales dont l’entier rapprochement est absolument impossible[1]. »

Mais le désir de devenir plus heureux est le seul mobile individuel qui eût pu rendre compte du progrès ; si on l’écarte, il n’en reste pas d’autre. Pour quelle raison l’individu susciterait-il de lui-même des changements qui lui coûtent toujours quelque peine s’il n’en retire pas plus de bonheur ? C’est donc en dehors de lui, c’est-à-dire dans le milieu qui l’entoure, que se trouvent les causes déterminantes de l’évolution sociale. Si les sociétés changent et s’il change, c’est que ce milieu change. D’autre part, comme le milieu physique est relativement constant, il ne peut pas expliquer cette suite ininterrompue de changements. Par conséquent, c’est dans le milieu social qu’il faut aller en chercher les conditions originelles. Ce sont les variations qui s’y produisent qui provoquent celles par lesquelles passent les sociétés et les individus. Voilà une règle de méthode que nous aurons l’occasion d’appliquer et de confirmer dans la suite.


III

On pourrait se demander cependant si certaines variations que subit le plaisir, par le fait seul qu’il dure, n’ont pas pour effet d’inciter spontanément l’homme à varier, et si, par conséquent,

  1. Cours de philosophie positive, 2e édit., IV, 273.