très vive, on remarque toujours une très grande diversité dans les espèces qui l’habitent. J’ai trouvé qu’une surface gazonnée de trois pieds sur quatre, qui avait été exposée pendant de longues années aux mêmes conditions de vie, nourrissait vingt espèces de plantes appartenant à dix-huit genres et à huit ordres, ce qui montre combien ces plantes différaient les unes des autres[1]. » Tout le monde, d’ailleurs, a remarqué que, dans un même champ, à côté des céréales, il peut pousser un très grand nombre de mauvaises herbes. Les animaux, eux aussi, se tirent d’autant plus facilement de la lutte qu’ils diffèrent davantage. On trouve sur un chêne jusqu’à deux cents espèces d’insectes qui n’ont les unes avec les autres que des relations de bon voisinage. Les uns se nourrissent des fruits de l’arbre, les autres des feuilles, d’autres de l’écorce et des racines. « Il serait, dit Haeckel, absolument impossible qu’un pareil nombre d’individus vécût sur cet arbre, si tous appartenaient à la même espèce, si tous, par exemple, vivaient aux dépens de l’écorce ou seulement des feuilles[2]. » De même encore, à l’intérieur de l’organisme, ce qui adoucit la concurrence entre les différents tissus, c’est qu’ils se nourrissent de substances différentes.
Les hommes subissent la même loi. Dans une même ville, les professions différentes peuvent coexister sans être obligées de se nuire réciproquement, car elles poursuivent des objets différents. Le soldat recherche la gloire militaire, le prêtre l’autorité morale, l’homme d’État le pouvoir, l’industriel la richesse, le savant la renommée scientifique ; chacun d’eux peut donc atteindre son but sans empêcher les autres d’atteindre le leur. Il en est encore ainsi même quand les fonctions sont moins éloignées les unes des autres. Le médecin oculiste ne fait pas concurrence à celui qui soigne les maladies mentales, ni le cordonnier au chapelier, ni le maçon à l’ébéniste, ni le physicien au chimiste, etc. Comme