Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/370

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Or, quoique cette comparaison ne puisse être faite méthodiquement, un fait, établi par M. de Candolle, tend à prouver combien est restreinte l’action de l’hérédité dans ces carrières. Sur 100 associés étrangers de l’Académie de Paris, dont M. de Candolle a pu refaire la généalogie, 14 descendent de ministres protestants, 5 seulement de médecins, de chirurgiens, de pharmaciens. Sur 48 membres étrangers de la Société royale de Londres en 1829, 8 sont fils de pasteurs, 4 seulement ont pour pères des hommes de l’art. Pourtant, le nombre total de ces derniers « dans les pays hors de France doit être bien supéreur à celui des ecclésiastiques protestants. En effet, parmi les populations protestantes, considérées isolément, les médecins, chirurgiens, pharmaciens et vétérinaires sont à peu près aussi nombreux que les ecclésiastiques et, quand on ajoute ceux des pays purement catholiques autres que la France, ils constituent un total beaucoup plus considérable que celui des pasteurs et ministres protestants. Les études que les hommes de l’art médical ont faites et les travaux auxquels ils doivent se livrer habituellement pour leur profession sont bien plus dans la sphère des sciences que les études et les travaux d’un pasteur. Si le succès dans les sciences était une affaire uniquement d’hérédité, il y aurait bien plus de fils de médecins, pharmaciens, etc., sur nos listes que de fils de pasteurs[1]. »

Encore n’est-il pas du tout certain que ces vocations scientifiques des fils de savants soient réellement dues à l’hérédité. Pour avoir le droit de les lui attribuer, il ne suffit pas de constater une similitude de goûts entre les parents et les enfants, il faudrait encore que ces derniers eussent manifesté leurs aptitudes après avoir été élevés dès leur première enfance en dehors de leur famille et dans un milieu étranger à toute culture scientifique. Or, en fait, tous les fils de savants sur lesquels a porté l’observation ont été élevés dans leurs familles, où ils ont natu-

  1. Op. cit., p. 294.