Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/38

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confus et caché. Évidemment, pour le dégager et le formuler il ne suffit pas de regarder attentivement au dedans de soi-même ; mais où qu’il existe, que ce soit en nous ou en dehors de nous, on ne peut parvenir jusqu’à lui qu’en partant des faits où il s’incarne et qui seuls le manifestent.

On comprendra mieux encore la nécessité de cette marche si l’on se représente bien toute la complexité de la morale. Elle n’est pas faite, en effet, de deux ou trois règles très générales qui nous servent de fils conducteurs dans la vie et que nous n’avons qu’à diversifier suivant les cas, mais d’un très grand nombre de préceptes spéciaux. Il n’y a pas un devoir, mais des devoirs. Ici comme ailleurs, ce qui existe c’est le particulier et l’individuel, et le général n’en est qu’une expression schématique. S’agit-il de morale domestique ? Il s’en faut qu’on ait tout dit quand on a établi d’une manière abstraite que les enfants doivent obéir aux parents, que ceux-ci doivent protéger ceux-là, que le mari et la femme se doivent fidélité et mutuelle assistance. Mais en fait, les relations réelles qui unissent entre eux les différents membres de la famille sont bien plus nombreuses et plus définies. Il n’y a pas entre les parents et les enfants ce rapport abstrait fait de protection d’une part et de respect de l’autre ; mais ce qui existe dans la réalité, c’est une foule de droits particuliers, de devoirs particuliers, les uns réels, les autres personnels, droits et devoirs enchevêtrés dans une multitude d’autres dont ils sont solidaires et inséparables. Il y a notamment le droit de correction tel que la loi et les mœurs le délimitent, le droit du père sur la fortune de ses enfants mineurs, les droits et les devoirs qui sont relatifs à la tutelle, ceux qui concernent l’hérédité ; il y a les formes différentes que prennent les uns et les autres suivant que l’enfant est naturel, légitime ou adoptif, suivant qu’ils sont exercés par le père ou par la mère, etc. Si nous soumettions le mariage à l’analyse, nous n’y trouverions pas une moins grande diversité de relations. S’agit-il du droit de propriété ? Il s’en faut que la notion