Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/425

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vernemental se développe avec la division du travail, non pour y faire contrepoids, mais par une nécessité mécanique[1]. Comme les organes sont étroitement solidaires là où les fonctions sont très partagées, ce qui affecte l’un en atteint d’autres et les événements sociaux prennent plus facilement un intérêt général. En même temps, par suite de l’effacement du type segmentaire, ils se répandent avec plus de facilité dans toute l’étendue d’un même tissu ou d’un même appareil. Pour ces deux séries de raisons, il y en a davantage qui retentissent dans l’organe directeur dont l’activité fonctionnelle, plus souvent exercée, s’accroît ainsi que le volume. Mais sa sphère d’action ne s’étend pas plus loin.

Or, sous cette vie générale et superficielle, il en est une intestine, un monde d’organes qui, sans être tout à fait indépendants du premier, fonctionnent cependant sans qu’il intervienne, sans même qu’il en ait conscience, du moins à l’état normal. Ils sont soustraits à son action parce qu’il est trop loin d’eux. Ce n’est pas le gouvernement qui peut à chaque instant régler les conditions des différents marchés économiques, fixer les prix des choses et des services, proportionner la production aux besoins de la consommation, etc. Tous ces problèmes pratiques soulèvent des multitudes de détails, tiennent à des milliers de circonstances particulières que ceux-là seuls connaissent qui en sont tout près. À plus forte raison ne peut-il ajuster ces fonctions les unes aux autres et les faire concourir harmoniquement si elles ne concourent pas d’elles-mêmes. Si donc la division du travail a les effets dispersifs qu’on lui attribue, ils doivent se développer sans résistance dans cette région de la société, puisque aucun obstacle ne peut les y contenir. Cependant, ce qui fait l’unité des sociétés organisées, comme de tout organisme, c’est le consensus spontané des parties, c’est cette solidarité interne qui non seulement est tout aussi indispensable que l’action régula-

  1. Voir plus haut, liv. I, ch. VII, § III, p. 239-247.