Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/56

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les plus voisins les uns des autres sont massés au centre. Au delà, soit en haut, soit en bas, ils sont non seulement plus rares, mais aussi plus espacés. C’est cette masse centrale et dense qui constitue la moyenne et, si souvent on exprime celle-ci par un seul chiffre, c’est qu’on représente tous ceux de la région moyenne par celui autour duquel ils gravitent.

C’est d’après la même méthode qu’il faut procéder en morale. Un fait moral est normal pour un type social déterminé, quand on l’observe dans la moyenne des sociétés de cette espèce ; il est pathologique dans le cas contraire. Voilà ce qui fait que le caractère moral des règles particulières de conduite est variable ; c’est qu’il dépend de la nature des types sociaux. Par exemple, dans toutes les sociétés à totems, clans et agrégats de clans, il y a une règle qui défend de tuer et de manger l’animal qui sert d’emblème au groupe ; nous dirons que cette règle est normale pour ce type social. Dans toutes nos sociétés européenne l’infanticide, qui était autrefois impuni, est sévèrement interdit ; nous dirons que cette règle est normale pour le type social auquel appartiennent nos sociétés. On peut même mesurer de cette manière le degré de force coercitive que doit normalement avoir chaque règle morale ; il n’y a qu’à déterminer l’intensité normale de la réaction sociale qui suit la violation de la règle. Ainsi, nous savons qu’en Italie les mœurs jugent parfois avec indulgence des actes de brigandage que la conscience publique réprouve beaucoup plus énergiquement dans les autres pays d’Europe ; un tel fait est donc anormal.

Toutefois, il ne faut pas oublier que le type normal n’est pas quelque chose de stable dont les traits peuvent être fixés dans un instant indivisible ; au contraire il évolue, comme les sociétés elles-mêmes et tous les organismes. On est, il est vrai, disposé à croire qu’il se confond avec le type moyen de l’espèce pendant la période de maturité ; car c’est seulement à ce moment que l’organisme est vraiment lui-même, parce qu’il est alors tout ce qu’il peut être. Mais si l’on appréciait l’état