Page:Durkheim - De la division du travail social.djvu/83

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matrimoniale qui a pour objet de les définir et elle-même très développée. Si au contraire la société conjugale manque de cohésion, si les rapports de l’homme et de la femme sont instables et intermittents, ils ne peuvent pas prendre une forme bien déterminée et par conséquent le mariage se réduit à un petit nombre de règles sans rigueur et sans précision. L’état du mariage dans les sociétés où les deux sexes ne sont que faiblement différenciés témoigne donc que la solidarité conjugale y est elle-même très faible.

Au contraire, à mesure qu’on avance vers les temps modernes, on voit le mariage se développer. Le réseau de liens qu’il crée s’étend de plus en plus ; les obligations qu’il sanctionne se multiplient. Les conditions dans lesquelles il peut être conclu, celles auxquelles il peut être dissous se délimitent avec une précision croissante ainsi que les effets de cette dissolution. Le devoir de fidélité s’organise ; d’abord imposé à la femme seule, il devient plus tard réciproque. Quand la dot apparaît, des règles très complexes viennent fixer les droits respectifs de chaque époux sur sa propre fortune et sur celle de l’autre. Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil sur nos Codes pour voir quelle place importante y occupe le mariage. L’union des deux époux a cessé d’être éphémère ; ce n’est plus un contact extérieur, passager et partiel, mais une association intime, durable, souvent même indissoluble de deux existences tout entières.

Or il est certain que dans le même temps le travail sexuel s’est de plus en plus divisé. Limité d’abord aux seules fonctions sexuelles, il s’est peu à peu étendu à bien d’autres. Il y a longtemps que la femme s’est retirée de la guerre et des affaires publiques et que sa vie s’est concentrée tout entière dans l’intérieur de la famille. Depuis, son rôle n’a fait que se spécialiser davantage. Aujourd’hui, chez les peuples cultivés, la femme mène une existence tout à fait différente de celle de l’homme. On dirait que les deux grandes fonctions de la vie psychique se sont comme dissociées, que l’un des sexes a accaparé les fonctions