Page:Durkheim - L'Allemagne au-dessus de tout.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dale moral[1], une véritable malédiction[2]. « N’est-ce pas, en effet, un renversement de la morale que de vouloir exclure l’héroïsme de l’humanité ? » C’est un non-sens que d’invoquer contre la guerre les principes du christianisme : la Bible dit expressément que l’autorité a pour devoir de tirer l’épée. Aussi « est-ce toujours des époques fatiguées, sans vigueur et sans enthousiasme, qui se sont complues dans ce rêve d’une paix éternelle ». Ce fut le cas après le traité d’Utrecht comme après le congrès de Vienne. D’après Treitschke, au moment où il écrivait, l’Allemagne traversait une période du même genre. Mais, ajoute-t-il, on peut être assuré qu’elle ne durera pas. « Le Dieu vivant veillera à ce que la guerre revienne toujours, comme le terrible remède dont a besoin l’humanité[3]. »


L’État est Puissance. Suppression des petits États. ― En résumé, l’État est une personnalité impérieuse et ambitieuse, impatiente de toute sujétion même apparente ; il n’est vraiment lui-même que dans la mesure où il s’appartient complètement à lui-même. Mais, pour pouvoir jouer ce rôle, pour contenir les velléités d’empiétement, imposer sa loi sans en subir aucune, il faut qu’il possède de puissants moyens d’action. Un État faible tombe nécessairement sous la dépendance d’un autre et, dans la mesure où sa souveraineté cesse d’être entière, il cesse lui-même d’être un État. D’où il suit que ce qui constitue essentiellement l’État, c’est la puissance. Der Staat ist Macht, cette formule, qui revient sans cesse sous la plume de Treitschke, domine toute sa doctrine.

Ce qui fait d’abord et avant tout cette puissance, c’est la force physique de la nation ; c’est l’armée. L’armée se trouve ainsi occuper, dans l’ensemble des institutions sociales, une

  1. « Dass der Gedanke des ewigen Friedens… ein unsittliches Ideal ist, haben wir schon erkannt » (II, p. 553).
  2. « Der Unsegen des Friedens » (I, p. 59).
  3. I, p. 76. ― Tous les passages cités, sans être accompagnés d’une référence spéciale, sont empruntés aux p. 72-76 du tome I.