Page:Durkheim - L'Allemagne au-dessus de tout.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Dans la prochaine guerre européenne, il faudra aussi que les petits États soient contraints à nous suivre ou soient domptés. Dans certains cas, leurs armées et leurs places fortes peuvent être facilement vaincues ou neutralisées[1]. »

En envahissant la Belgique, les Allemands avaient donc l’impression qu’ils pénétraient sur un territoire qui était une sorte de res nullius, et qu’ils entendaient bien faire leur en quelque manière. Sans doute, ils avaient promis de l’évacuer, une fois que les hostilités seraient terminées ; mais on sait ce que valent leurs promesses. Il y a, d’ailleurs, bien des manières différentes de réduire un État en vasselage. Le Luxembourg n’a opposé aucune résistance à l’occupation allemande. Nul, pourtant, ne met en doute que, si l’Allemagne était victorieuse, le grand-duché ne recouvrerait jamais son ancienne autonomie.


La guerre systématiquement inhumaine. ― Quand nous accumulons les preuves pour établir que la guerre est conduite par l’état-major allemand avec une inhumanité sans exemple dans l’histoire, on nous répond souvent que les faits dont nous parlons ne sont, en définitive, que des cas isolés, individuels, comme il s’en produit dans toute armée en campagne, et que nous ne sommes pas fondés à généraliser. Mais, en réalité, ces actes d’atrocité, dont on a multiplié les exemples, ne sont que la mise en œuvre d’idées et de sentiments qui sont, depuis longtemps, inculqués à la jeunesse allemande.

Qu’on se rappelle, en effet, la morale politique de Treitschke. L’État est au-dessus de la morale ; il ne reconnaît pas de fin qui le dépasse, mais il est à lui-même sa propre fin. Travailler à être le plus puissant possible de façon à pouvoir imposer ses volontés aux autres États, voilà pour lui le bien, et tout ce qui sert à atteindre ce but est légitime et moralement bon. Appliquez ces axiomes à la guerre et vous aurez les maximes dans lesquelles le grand état-major allemand a

  1. Livre jaune, no 2, Annexe, p. 11.