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LE SUICIDE ÉGOïSTE.

semble que nous soyons en état de soutenir la comparaison. Dans les grands centres de notre pays, la science n’est ni moins en honneur ni moins répandue que chez nos voisins ; il est même certain que, à ce point de vue, nous remportons sur plusieurs pays protestants. Mais si, dans les parties éminentes des deux sociétés, le besoin de s’instruire est également ressenti, il n’en est pas de même dans les couches profondes et, s’il atteint à peu près dans les deux pays la même intensité maxima, l’intensité moyenne est moindre chez nous. On en peut dire autant de l’ensemble des nations catholiques comparées aux nations protestantes. A supposer que, pour la très haute culture, les premières ne le cèdent pas aux secondes, il en est tout autrement pour ce qui regarde l’instruction populaire. Tandis que, chez les peuples protestants (Saxe, Norvège, Suède, Bade, Danemark et Prusse), sur 1.000 enfants en age scolaire, c’est-à-dire de 6 à 12 ans, il y en avait, en moyenne, 937 qui fréquentaient l’école pendant les années 1877-1878, les peuples catholiques (France, Autriche-Hongrie, Espagne et Italie), n’en comptaient que 667 soit 31 % en moins. Les rapports sont les mêmes pour les périodes 1874-75 et 1860-61 [1]. Le pays protestant où ce chiffre est le moins élevé, la Prusse, est encore bien au-dessus de la France qui tient la tête des pays catholiques ; la première compte 897 élèves sur 1.000 enfants, la seconde 766 seulement [2]. De toute l’Allemagne, c’est la Bavière qui comprend le plus de catholiques ; c’est elle aussi qui comprend le plus d’illettrés. De toutes les provinces de Bavière, la Haut-Palatinat est une des plus foncièrement catholiques, c’est aussi celle où l’on rencontre le plus de conscrits qui ne savent ni lire ni écrire (15 % en 1871). Même coïncidence en Prusse pour le duché de Posen et la province de Prusse [3]. Enfin, dans l’ensemble du royaume, en 1871, on comptait 66 illettrés sur 1.000 protestants et 152

  1. Oettingen, MoralStatistik, p. 586.
  2. Dans une de ces périodes (1877-78) la Bavière dépasse légèrement la Prusse ; mais le fait ne se produit que cette seule fois.
  3. Oettingen, ibid., p. 582.