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220 LE SUICIDE. passagère de radministration comme à sa cause principale. Mais la meilleure preuve que nous sommes en présence, non d’une erreur de comptabilité, mais d’un phénomène de psycho- logie sociale, c’est que toutes les crises politiques ou nationales n’ont pas cette influence. Celles-là seulement agissent qui exci- tent les passions. Déjà nous avons remarqué que nos révo- lutions ont toujours plus affecté les suicides de Paris que ceux des départements; et cependant, la perturbation administrative était la même en province et dans la capitale. Seulement, ces sortes d’événements ont toujours beaucoup moins intéressé les provinciaux que les Parisiens dont ils étaient l’œuvre el qui y assistaient de plus près. De même, tandis que les grandes guerres nationales, comme celle de 1870-71, ont eu, tant en France qu’en Allemagne, une puissante action sur la marche des suicides, des guerres purement dynastiques comme celles de Crimée ou d’Italie, qui n’ont pas fortement ému les masses, sont restées sans effet appréciable. Même, en 1854, il se pro* duisit une hausse importante (3.700 cas au lieu de 3.41S en 1853). On observe le même fait en Prusse lors des guerres de 1864 et de 1866. Les chiffres restent stationnaires en 1864 et montent un peu en i866. C’est que ces guerres étaient dues tout entières à l’initiative des politiciens et n’avaient pas soulevé les passions populaires comme celle de 1870. De ce même point de vue, il est intéressant de remarquer que, en Bavière, l’année 1870 n’a pas produit les mêmes effets que sur les autres pays de TAIlemagne, surtout de TAllemagne du Nord. On y acompte plus de suicides en 1870 qu’en 1869 (452 au lieu de 425). C’est seulement en 1871 qu’une légère diminu- tion se produit; elle s’accentue un peu en 1872 où il n’y a plus que 412 cas, ce qui ne fait, d’ailleurs, qu’une baisse de 9 0/0 par rapport à 1869 el de 4 0/0 par rapport à 1870. Cependant, la Bavière a pris aux évcnemenls militaires la même part matérielle que la Prusse ; elle a également mobilisé toute son armée et il n’y a pas de raison pour que le dùsarroi administratif y ait été moin- dre. Seulement, elle n’a pas pris aux événements la même part morale. On sait, en effet, que la catholique Bavière est, de toute