Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

234 LE SUICIDE. paraît pas y être fréquent. Mais il en est un autre qui s’y trouve à l’état endémique. Harlholin, dans son livre De causis cotHemptae morlisa Danisj rapporte que les guerriers danois regardaient comme une honte de mourir dans leur lit, de vieillesse ou de maladie, et se sui- cidaient pour échapper à cette ignominie. Les Golhs croyaient de même que ceux qui meurent de mort naturelle sont destinés à croupir éternellement dans des antres remplis d’animaux venimeux (1). Sur les limites des terres des Wisigoths, il y avait un rocher élevé, dit La Roche des Aïeux, du haut duquel les vieillards se précipitaient quand ils étaient las de là vie. On re- trouve la même coutume chez les Thraces, les Hérules, etc. Silvius Italicus dit des Celtes Espagnols : « C’est une nation prodigue de son sang et très portée à hâter la mort. Dès que le Celte a franchi les années de la force florissante, il supporte impatiemment le cours du temps et dédaigne de connaître la vieillesse; le terme de son destin est dans sa main (2) ». Aussi assignaient-ils un séjour de délices à ceux qui se donnaient la mort et un souterrain affreux à ceux qui mouraient de maladie ou de décrépitude. Le même usage s’est longtemps maintenu dansTlnde. Peut-être cette complaisance pour le suicide n’était- elle pas dans les Védas, mais elle était certainement très an- cienne. A propos du suicide du brahmane Calanus, Plutar- que dit : « Il se sacrifia lui-même ainsi que le portait la cou- tume des sages du pays(^) » ; et Quinte-Curce : « 11 existe parai eux une espèce d’hommes sauvages et grossiers auxquels* on donne lo nom do sages. A leurs yeux, c’est une gloire de pré- venir le jour de la mort, et ils se font brûler vivants dès que la longueur de l’Age ou de la maladie commence à les tourmeater. La mort, quand on Tattond, est, selon eux, le déshonneur de la vie; aussi ne rendent-ils aucun honneur aux corps qu*a détruits la vieillesse. Le feu serait souillé s’il ne recevait Thomnae re*- (1) Cité d’après Brîerre de Boismont, p. 23. (2) Pufùea, I, 225 et suiv. (3) Vie d’Alexamlre, CXIII.