Aller au contenu

Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

252 LE SUICIDE. En France, en moins de 10 ans de service, le taux des suicides a presque triplé, tandis que, pour les célibataires civils, il passe seulement pendant ce même temps de 237 à 394. Dans les ar- mées anglaises de Tlnde, il devient, en 20 ans, huit fois plus élevé; jamais le taux des civils ne progresse aussi vite. C’est la preuve que l’aggravation propre à l’armée n’est pas localisée dans les premières années’. Il semble bien qu’il en est de même en Italie. Nous n’avons pas, il est vrai, les chiffres proportionnels rapportés à Teffectif de chaque contingent. Mais les chiffres bruts sont sensiblement les mêmes pour chacune des trois années de service, 13,1 pour la première, 14,8 pour la seconde, 14,3 pour la troisième. Or, il est bien certain que l’effectif diminue d’année en année, par suite des morts, des réformes, des mises en congé, etc. Les chiffres absolus n’ont donc pu se maintenir au même niveau que si les chiffres proportionnels se sont sensiblement accrus. Il n’est pourtant pas invraisemblable que, dans quelques pays, il y ait au début du service un certain nombre de suicides qui soient réellement dus au changement d’existence. On rapporte, en effet, qu’en Prusse les suicides sont exceptionnellement nom- breux pendant les six premiers mois. De même en Autriche, sur 1.000 suicides, il y en a 156 accomplis pendant les trois pre- miers mois (1), ce qui est certainement un chiffre très considé- rable. Mais ces faits n’ont rien d’inconciliable avec ceux qui précèdent. Car il est très possible que, en dehors de l’aggra- vation temporaire qui se produit pendant cette période de per- turbation, il y en ait une autre qui tienne à de tout autres causes et qui aille en croissant d’après une loi analogue à celle que nous avons observée en France et en Angleterre. Du reste, en France même, le taux delà seconde et de la troisième année est légèrement inférieur à celui de la première; ce qui, pourtant, n’empôche pas la progression ultérieure (2). (1) V. l’article de Roth, dans la Stat, Mouatfschrift, 1892, p. 200. (2) Pour la Prusse et TAutriche, nous n’avons pas l’effectif par année de service, c’est ce qui nous empêche d’établir les nombres proportionnels. En France, on a prétendu que si, au lendemain de la guerre, les suicides mili-