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30i LE SUICIDE. que des solliciUtions physiques. Aussi n’a-t-il plus la périodicité régulière et automatique qu’il présente chez Tanimal. Une exci- tation psychique peut en tout temps Téveiller : il est de toutes les . saisons. Mais précisément parce que ces diverses inclinations, 1 ainsi transformées, ne sont pas directement placées sous la dé-

pendance de nécessités organiques, une réglementation sociale
leur est indispensable. ^puisqu’il n’y a rien dans l’organisme qui

les contienne, il faut qu’elles soient contenues par la société. Telle est la fonction du mariage. Il règle toute cette vie passion- nelle, et le mariage monogamique plus étroitement que tout autre. Car, en obligeant l’homme à ne s’attacher qu’à une seule femme, toujours la même, il assigne au besoin d’aimer un objet rigoureusement défini, et ferme Thorizon. C’est cette détermination qui fait l’état d’équilibre moral dont bénéficie l’époux. Parce qu’il ne peut, sans manquer à ses devoirs, chercher d’autres satisfactions que celles qui lui sont ainsi permises, il y borne ses désirs. La salutaire discipline à laquelle il est soumis lui fait un devoir de trouver son bonheur dans sa condition et, par cela même, lui en fournit les moyens. D’ailleurs, si sa passion est tenue de ne pas varier, l’objet auquel elle est fixée est tenu de ne pas lui manquer : car l’obligation est réciproque. Si ses jouissances sont définies, elles sont assurées, et cette certitude consolide son assiette mentale. Tout autre est la situation du célibataire. Comme il peut légitimement s’attacher à ce qui lui plaît, il aspire à tout et rien ne le contente. Ce mal de Tinfini, que l’anomie apporte partout avec elle, peut tout aussi bien atteindre cette partie de notre conscience que toute autre; il prend très souvent une forme sexuelle que Musset a décrite f^). Du moment qu’on n’est arrêté par rien, on ne saurait s’arrêter soi-même. Au delà des plaisirs dont on a fait l’expé- rience, on en imagine et on en veut d’autres ; s’il arrive qu’on ait à peu près parcouru tout le cercle du possible, on rêve à l’impossible; on a soif de ce qui n’est pas (*-). Comment la sensi- (1) V. RolUi et dans Namouna le portrait de Don Juan. (2) V. le monologue de Faust dans la pièce de Goetlie.