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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/330

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308 LE SUICIDE. variations inverses que présente l’immunité des époux et celle des épouses, elle est confirmée par plusieurs autres faits : ° C’est seulement sous le régime du divorce qu’il peut y avoir une véritable instabilité matrimoniale; car seul il rompt complètement le mariage tandis que la séparation de corps ne fait qu’en suspendre partiellement certains eflFets, sans rendre aux époux leur liberté. Si donc cette anomie spéciale aggrave réellement le penchant au suicide, les divorcés doivent avoir une aptitude bien supérieure à celle des séparés. C’est, en effet, ce qui ressort du seul document que nous connaissions sur ce point. D’après un calc^il de Legoyt (0, en Saxe, pendant la pé- riode 1847-1836, un million de divorcés aurait donné en moyenne par an 1.400 suicides et un million de séparés 176 seulement. Ce dernier taux est même inférieur à celui des époux (318). ° Si la tendance si forte des célibataires tient en partie à l’anomie sexuelle dans laquelle ils vivent d’une manière chronique, c’est surtout au moment où le sentiment sexuel est le plus en effervescence que l’aggravation dont ils souffrent doit être le plus sensible. Et en effet, de 20 à 45 ans, le taux des suicides de célibataires croît beaucoup plus vite qu’ensuite; daus le cours de cette période, il quadruple tandis que de 45 ans à l’âge du maximum (après 80 ans) il ne fait que doubler. Mais, du côté des femmes, la même accélération ne se retrouve pas; de 20 à 45 ans, le taux des filles ne devient même pas double, il passe seulement de 106 à 171 (V. Tableau XXI). La période sexuelle n’affecte donc pas la marche des suicides fé- minins. C’est bien ce qui doit se passer si, comme nous l’a- vons admis, la femme n’est pas très sensible à cette forme d’anomie. compensation. Maïs c*est que la part de la femme étant très faible dans le nombre total des suicides, la diminution des suicides féminins n’est pas sen- sible dans l’ensemble et ne compense pas l’augmentation des suicides mascu- lins. Voilà pourquoi le divorce est accompagné finalement d’une élévation du chiffre général des suicides. (1) Op. cit., p. 171.