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330 LE SUICIDE. s’accomplissent; car on ne peut élablir aucune relation entre ^ les types de suicides que nous avons distingués et les nriodes d’exécution les plus répandus. L’Italie est un pays foncièrement catholique où la cullure scientifique était, jusqu’à des temps récents, assez peu développée. Il est donc très probable que les suicides altruistes y sont plus fréquents qu’en France et qu’en Allemagne, puisqu’ils sont un peu en raison inverse du développement intellectuel; plusieurs raisons qu’on trouvera dans la suite de cet ouvrage confirmeront cette hypothèse. Par conséquent, comme le suicide par les armes à feu y est beau- coup plus fréquent que dans les pays du centre de l’Europe, on pourrait croire qu’il n’est pas sans rapports avec l’état d’al- truisme. On pourrait même faire encore remarquer, à l’appui de cette supposition, que c’est aussi le genre de suicide préféré par les soldats. Malheureusement, il se trouve qu’en France ce sont les classes les plus intellectuelles, écrivains, artistes, fonc- tionnaires, qui se tuent le plus de cette manière W. De même, il pourrait sembler que le suicide mélancolique trouve dans la pendaison son expression naturelle. Or, en fait, c’est dans les campagnes qu’on y a le plus recours , et pourtant la mélancolie est un état d’esprit plus spécialement urbain. Les causes qui poussent l’homme à se tuer ne sont donc pas celles qui le décident à se tuer de telle manière plutôt que de telle autre. Les mobiles qui fixent son choix sont d’une tout autre nature. C’est, d’abord, l’ensemble d’usages et d’arrange- ments de toute sorte qui mettent à sa portée tel instrument de mort plutôt que tel autre. Suivant toujours la ligne de la / moindre résistance tant qu’un facteur contraire n’intervient pas, il tend à employer le moyen de destruction qu’il a le plus immédiatement sous la main et qu’une pratique journalière lui ^.^ a rendu familier. Voilà pourquoi, par exemple, dans les grandes villes, on se tue plus que dans les campagnes en se jetant du haut d’un lieu élevé : c’est que les maisons sont plus hautes. De même, à mesure que le sol se couvre de chemins de fer, (1) V. Lisle, op, ciL, p. 94.