Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/373

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l’élément socll Dr suicide. 331 la connaissance intime de Télément qui est notre conscience in- dividuelle aussi bien que du composé qui est rassemblée des consciences »,2’*que, par cette double introspection «nous cons- tatons clairement que, l’individuel écarté, le social n’est rien(*^ ». La première assertion est une négation hardie de toute la psychologie contemporaine. On s’entend aujourd’hui pour re- connaître que la vie psychique, loin de pouvoir être connue d’une vue immédiate, a, au contraire, des dessous profonds où le sens intime ne pénètre pas et que nous n’atteignons que peu à peu par des procédés détournés et complexes, analogues à ceux qu’emploient les sciences du monde extérieur. Il s’en faut donc que la nature de la conscience soit désormais sans mystère. Quant à la seconde proposition, elle est purement arbitraire. L’auteur peut bien affirmer que, suivant son impression per- sonnelle, il n’y a rien de réel dans la société que ce qui vient de l’individu, mais, à l’appui de cette affirmation, les preuves font défaut et la discussion, par suite, est impossible. Il serait si facile d’opposer à ce sentiment le sentiment contraire d’un grand nombre de sujets qui se représentent la société, non comme la forme que prend spontanément la nature individuelle en s’épanouissant au dehors, mais comme une force antagoniste qui les limite et contre laquelle ils font eflfort ! Que dire, du reste, de cette intuition par laquelle nous connaîtrions directe- ment et sans intermédiaire, non seulement l’élément, c’est-à-dire l’individu, mais encore le composé, c’est-à-dire la société? Si, vraiment, il suffisait d’ouvrir les yeux et de bien regarder pour apercevoir aussitôt les lois du monde social, la sociologie serait inutile ou, du moins, serait très simple. Malheureusement, les faits ne montrent que trop combien la conscience est incompé- tente en la matière. Jamais elle ne fût arrivée d’elle-même à soupçonner cette nécessité qui ramène tous les ans, en même nombre, les phénomènes démographiques, si elle n’en avait été avertie du dehors. A plus forte raison, est-elle incapable, réduite à ses seules forces, d’en découvrir les causes. (1) Tarde, op. cit,, in Annales de l’Institut de socioL, p. 222.