Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/383

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’klément social du suicide. 361 naison de toutes les forces particulières; mais, comme elle rencontre aussi autant de résistances qu’il y a de sujets par- ticuliers, elle s’use en partie dans ces luttes multipliées et ne nous pénètre que défigurée et affaiblie. Quand elle est très intense, quand les circonstances qui la mettent en action re- viennent fréquemment, elle peut encore marquer assez forte- ment les constitutions individuelles; elle y suscite des états X d’une certaine vivacité el qui, une fois organisés, fonction- nent avec la spontanéité de l’instinct; c’est ce qui arrive pourX les idées morales les plus essentielles. Mais la plupart des cou- rants sociaux ou sont trop faibles ou ne sont en contact avec nous que d’une manière trop intermittente pour qu’ils puissent pousser en nous de profondes racines; leur action est superfi- cielle. Par conséquent, ils restent presque totalement externes. Ainsi, le moyen de calculer un élément quelconque du type col- lectif n’est pas de mesurer la grandeur qu’il a dans les con- sciences individuelles et de prendre la moyenne entre toutes ces mesures; c’est plutôt la somme qu’il faudrait faire. Encore ce procédé d’évaluation serait-il bien au-dessous de la réalité; car on n’obtiendrait ainsi que le sentiment social diminué de tout ce qu’il a perdu en s’individualisant. Ce n’est donc pas sans quelque légèreté qu’on a pu taxer notre conception de scolastique et lui reprocher de donner pour fon- dement aux phénomènes sociaux je ne sais quel principe vital d’un genre nouveau. Si nous refusons d’admettre qu’ils aient poursubstrat la conscience del’individu, nous leur en assignons un autre; c’est celui que forment, en s’unissant et en se combi- nant, toutes les consciences individuelles. Ce substrat n’a rien de substantiel ni d’ontologique, puisqu’il n’est rien autre chose qu’un tout composé de parties. Mais il ne laisse pas d’être aussi réel que les éléments qui le composent; car ils ne sont pas con- stitués d’une autre manière. Eux aussi sont composés. En effet, on sait aujourd’hui que le moi est la résultante d’une multitude de consciences sans moi ; que chacune de ces consciences élémen- taires est, à son tour, le produit d’unités vitales sans conscience, de même’que chaque unité vitale est elle-même due à une associa-