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369 CHAPITRE 11 Rapports du suicide avec les autres phénomènes sociaux. Puisque le suicide est, par son élément essentiel, un phéno- mène social, il convient de rechercher quelle place il occupe au milieu des autres phénomènes sociaux. La première et la plus importante question qui se pose à ce sujet est de savoir s’il doit être classé parmi les actes que la mo- rale permet ou parmi ceux qu’elle proscrit. Faut-il y voir, à un degré quelconque, un fait criminologique? On sait combien la question a été discutée de tout temps. D’ordinaire, pour la ré- soudre, on commence par formuler une certaine conception de l’idéal moral et on cherche ensuite si le suicide y est ou non logiquement contraire. Pour des raisons que nous avons expo- sées ailleurs (*), cette méthode ne saurait être la nôtre. Une déduction sans contrôle est toujours suspecte et, de plus, en Tespèce, elle a pour point de départ un pur postulat de la sen- sibilité individuelle; car chacun conçoit à sa façon cet idéal moral qu’on pose comme un axiome. Au lieu de procéder ainsi, nous allons rechercher d’abord dans l’histoire comment, en fait, les peuples ont apprécié moralement le suicide; nous tâcherons ensuite de déterminer quelles ont été les raisons de cette appré- ciation. Nous n’aurons plus alors qu’à voir si et dans quelle mesure ces raisons sont fondées dans la nature de nos sociétés actuelles (2). (1) V. Division du travail social. Introduction. (2) Bibliographie de la question. Appiano Buonafede, Histoire critique et philosophique du suicide, 1762, trad. fr., Paris* 1843. — Bourquelot, i?6c^6r- ches sur les opinions de la législation en matière de morts volontaires, in Bi- bliothèque de l’Ecole des Chartes, %^2eit 1843. — Otueme^Qy, Suicide, history Dl’hkhsim. ^ 24