Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/406

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Ce n’est pas à dire, toutefois, qu*il faille revenir aux peines féroces dont était frappé le suicide pendant les derniers siècles. Elles furent instituées à une époque où, sous l’influence de circonstances passagères, tout le système répressif fut renforcé avec une sévérité outrée. Mais il faut maintenir le principe, à savoir que Fhomicide de soi-même doit être réprouvé. Reste à chercher par quels signes extérieurs cette réprobation doit se manifester. Des sanctions morales suffisent-elles ou en faut-il de juridiques, et lesquelles? C’est une question d’application qui sera traitée au chapitre suivant.

II.

Mais auparavant, afin de mieux déterminer quel est le degré d’immoralité du suicide, recherchons quels rapports il soutient avec les autres actes immoraux, notamment avec les crimes et les délits.

D’après M. Lacassagne, il y aurait une relation régulièrement inverse entre le mouvement des suicides et celui des crimes contre la propriété (vols qualifiés, incendies, banqueroutes frauduleuses, etc.). Cette thèse a été soutenue en son nom par un de ses élèves, le docteur Chaussinand, dans sa Contribution à l’étude de la statistiqtte criminelle (i). Mais les preuves pour la démontrer font totalement défaut. D’après cet auteur, il suffirait de comparer les deux courbes pour constater qu’elles varient en sens contraire l'une de l’autre. En réalité, il est impossible d’apercevoir entre elles aucune espèce de rapport ni direct ni inverse. Sans doute, à partir de 1854, on voit les crimes-propriété diminuer tandis que les suicides augmentent. Mais cette baisse est, en partie, fictive; elle vient simplement de ce que, vers cette date, les tribunaux ont pris l’habitude de correction naliser certains crimes afin de les soustraire à la juridiction des cours

(I) Lyon, 1881. Au Congrès de criminologie tenu à Rome en 1887, M. Lacassagne a, d’ailleurs, revendiqué la paternité de cette théorie.