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Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/409

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s’exprimerait tantôt sous une forme et tantôt sous l'autre, sans pouvoir revêtir l'une et l’autre à la fois.

Ce qui les a déterminés à choisir cette interprétation, c’est que, suivant eux, l’inversion que présentent à certains égards ces deux phénomènes n’exclut pas tout parallélisme. S’il est des conditions en fonction desquelles ils varient inversement, il en est d’autres qui les affectent de la même manière. Ainsi, dit Morselli, la température a la même action sur tous les deux; ils arrivent à leur maximum au même moment de l’année, à l’approche de la saison chaude; tous deux sont plus fréquents chez l’homme que chez la femme ; tous deux enfin, d’après Ferri, s’accroissent avec l’âge. C’est donc que, tout en s’opposant par certains côtés, ils sont en partie de même nature. Op, les facteurs, sous l’influence desquels ils réagissent semblablement, sont tous individuels; car ou ils consistent directement en certains états organiques (âge, sexe), ou ils appartiennent au milieu cosmique, qui ne peut agir sur l’individu moral que par l’intermédiaire de l’individu physique. Ce serait donc par leurs conditions individuelles que le suicide et l’homicide se confondraient. La constitution psychologique qui prédisposerait à l’un et à l’autre serait la même : les deux penchants ne feraient qu’un. Ferri et Morselli, à la suite de Lombroso, ont même essayé de définir ce tempérament. Il serait caractérisé par une déchéance de l’organisme qui mettrait l’homme dans des conditions défavorables pour soutenir la lutte. Le meurtrier et le suicidé seraient tous deux des dégénérés et des impuissants. Également incapables de jouer un rôle utile dans la société, ils seraient, par suite, destinés à être vaincus.

Seulement, cette prédisposition unique qui, par elle-même, n’incline pas dans un sens plutôt que dans l’autre, prendrait de préférence, selon la nature du milieu social, ou la forme de l’ho- niicide ou celle du suicide; et ainsi se produiraient ces phéno- mènes de contraste qui, tout en étant réels, ne laisseraient pas de masquer une identité fondamentale. Là où les mœurs géné- rales sont douces et pacifiques, où l’on a horreur de verser le sang humain, le vaincu se résignera, il confessera son impuis-