Page:Durkheim - Le Suicide, Alcan, 1897.djvu/410

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388 LE SUICIDE. sance, et, devanQant les effets de Ja sélection naturelle, il se reti- rera de la lutte en se retirant de la vie. Là, au contraire, où la morale moyenne a un caractère plus rude, où Texistence hu- maine est moins respectée, il se révoltera, déclarera la guerre à la société, tuera au lieu de se tuer. En un mot, le meurtre de soi et le meurtre d’autrui sont deux actes violents. Mais tantôt la violence d’où ils dérivent, ne rencontrant pas de résistance dans le milieu social, s’y répand, et alors, elle devient homi- cide; tantôt, empêchée de se produire au dehors par la pression qu’exerce sur elle la conscience publique, elle remonte vers sa source, et c’est le sujet même d’où elle provient qui en est la victime. Le suicide serait donc un homicide transformé et atténué. A ce titre, il apparaît presque comme bienfaisant; car, si ce n’est pas un bien, c’est, du moins, un moindre mal et qui nous en épargne un pire. Il semble même qu on ne doive pas cher- cher à en contenir Tessor par des mesures prohibitives; car, du même coup, on lâcherait la bride à l’homicide. C’est une sou- pape de sûreté qu’il est utile de laisser ouverte. En déQnitive, le suicide aurait ce très grand avantage de nous débarrasser, sans intervention sociale et, par suite, le plus simplement et le plus économiquement possible, d’un certain nombre de sujets inutiles ou nuisibles. Ne vaut-il pas mieux les laisser s’éliminer d’eux-mêmes et en douceur que d’obliger la société à les rejeter violemment de son sein? Cette thèse ingénieuse est-elle fondée? La question est double et chaque partie en doit être examinée à part. Les conditions psychologiques du crime et du suicide sont-elles identiques? Y a-t-il antagonisme entre les conditions sociales dont ils dé- pcîndenl? . Trois faits ont été allégui^s pour établir Tunité psychologique des deux phénomènes.